Daddy is an asshole (Suite)

La colère ravage chacun de tes sens. Les doigts serrés sur ta jupe, c’est à peine si tu sens la main de ton amant se poser sur la tienne. C’est à peine si tu sens sa chaleur se disperser sur ta peau pour tenter naïvement de te calmer, alors que tu craches ton venin et ta hargne au visage de ton père. Le visage rouge, bouffi de gêne et de colère, Njörd te transperce du regard sans protesté, trop outré par le regain massif de confiance que tu viens d’obtenir. Il est allé trop loin. Trop loin pour que même toi, tu finisses par sortir de tes gonds. Pourtant, la douceur d’Oz finit par apaiser un peu de ta haine, alors que tu lui lances un regard en coin pour t’assurer qu’il ne s’est toujours pas évaporé dans la nature pour faire une crise de panique. Son demi sourire touché finit pourtant par calmer tes ardeurs, alors que tu fonds lentement sous son attention. Mais ses mots te blessent plus qu’ils ne te rassurent. Parce qu’il est hors de question qu’il s’en aille si c’est pour contenter ton père. Parce qu’il est hors de question qu’il t’abandonne, si c’est pour une raison aussi futile que celle ci. C’est à toi de gérer ta vie et ceux que tu veux y voir. C’est à toi de décider. Pas à Njörd. Pas à Oz non plus. Pourtant, tu le laisses finir sa tirade, rongeant ton frein jusqu’à l’excès. Un silence génant s’installe, pendant lequel Njörd semble peser le pour et le contre, pendant lequel Nott laisse échapper un soupire contrit, pendant lequel tu serres les dents pour ne pas hurler contre Oz, comme contre ton père.

« Moi vivante, jamais tu feras ça Oz. » Ça sonne comme une menace susurré dans le silence, et s’en est belle et bien une. Il ne partira pas. Et si tu dois l’attacher dans un coin de ta chambre jusqu’à ce qu’il décide du contraire, tu n’hésiteras pas un seul instant. C’est ce que tes yeux lui promettent, en tout cas. Un rire bien trop clair vient alors emplir la pièce, alors que ton attention se fait lentement détourner par ta mère. « Avoue au moins qu’ils sont mignon, tout les deux. Pour être tout à fait honnête, Oz, je n’avais pas souvenir d’avoir vu ma fille aussi heureuse avec quelqu’un. Ou en tout cas, aussi accompli et fière de ce qu’elle est. » En tout cas, le regard qu’elle pose sur toi l’est. Fier. Et ça te touche bien plus que tout le reste. « Enfin, si. Quand elle a eu Loki, elle était épuisante tellement elle rayonnait. » Rectifie-t-elle dans un sourire charmé.

« Il nous parle souvent de vous, vous savez ? D’habitude il déteste les gens que ma fille fréquente mais vous, vous êtes passé comme une lettre à la poste ! Oz par ci, Oz par là... » C’est on ne peut plus vrai, tu ne peux pas le nier, alors que le calme reprend ses droits dans votre échange. Lentement, tu laisses le calme et la légèreté de ta mère reprendre le dessus, alors que tes doigts se lient à ceux de ton amant pour les maintenir près de toi. Et  lui rappeler silencieusement que non, il ne partira pas. Et puis quoi encore. Ton regard se fait pourtant rapidement happer par le soupir dépité de ton père, alors qu’il se lève pour quitter la pièce sous l’oeil curieux de ta mère. « Je vais prendre l’air. » Il grogne, peu avenant, mais tu sais dès à présent que la partie est à moitié gagné. Que même s’il n’acceptera jamais tout à fait Oz, il acceptera peut-être au moins l’amour que tu lui portes. Le silence retombe, alors qu’un brin de nostalgie vient ravir le regard de ta mère.

« Je suis sincèrement désolé pour ce qu’il s’est passé. Il finira par s’y faire, il est juste... » Nott pousse un profond soupire, avant de rabattre une mèche de cheveux volage derrière son oreille. « Excessif. J’imagine qu’Hel vous a parlé de notre mariage ? » Lentement, tu secoues la tête pour affirmer un non, sous le regard un brin réprobateur - mais amusé - de ta mère. « L’entreprise que je dirige aujourd’hui, je l’ai hérité de mes parents. Mais, quand j’ai eu seize ans, elle a fait faillite. Appelez ça de la malchance ou juste une malédiction, mais il nous était impossible de nous remettre à flot sans un gros apport financier. Alors nos familles ont trouvé un accord. Un mariage. De l’argent, contre une bonne réputation et un statut élevé au sein de la ville. » Un rire léger vient rompre le silence de la pièce. Un rire qui sonne bien trop mélancolique, alors que tu sais déjà très bien ce qui va suivre. Ce qui risque de chambouler Oz bien plus que tout le reste. Alors tes doigts se lient aux siens, prudemment, avec tendresse. Pour le rassurer. Pour lui éviter une douleur un peu trop forte, aussi. « Le problème, c’est que la famille de Njörd n’a jamais voulu choisir qui de moi ou de Kara allaient devoir y passer. Alors on a décidé de tirer à pile ou face, elle et moi. Et j’ai lancé la pièce. »

Tes paupières se ferment quelques secondes, avant de tourner ton visage vers ton amant. « Ma mère… Triche, toujours. » A chaque fois. Ce n’est pas pour rien que tu gardes toujours près de toi la pièce à double face qu’elle t’a légué. Parce qu’à chaque fois qu’une décision devait être prise, c’était avec cette pièce que vous la jouiez. Et c’est bien des années plus tard, à l’aube de tes vingts ans, que tu as enfin compris la supercherie. Nulle doute que Kara l’avait comprise bien avant toi. « Tout ça pour dire, Oz, que je suis heureuse de la voir échapper à tout ça. Hel se sent bien à vos côtés, épanouie, et croyez bien que ce n’est pas Njörd qui arrivera à la rendre ainsi. C’est vous. Ne le laissez jamais vous faire penser le contraire. »