002 - Erwan&Penny - Entre littérature et attirance

Ce matin-là, Erwan était arrivé au bureau assez fourbu. La veille, il était revenu de son voyage d'affaire de trois semaines et le moins qu'on puisse dire était que les retrouvailles avec sa femme étaient... Explosives. Il avait fallu répondre à un certain nombre de courriers, régler des problèmes qui avaient attendu son retour... Puis sa secrétaire lui avait signalé qu'il avait un rendez-vous avec un certain Penny Redmaine, un vétéran qui avait survécu à une prise d'otage sur un lieu de conflit. En effet, Erwan s'était montré intéressé pour travailler avec lui sur un projet de biographie ou, s'il préférait, d'autobiographie. Ce genre de livre se vendait comme des petits pains et il fallait voir un certain avantage dans le fait que cet homme n'était pas comme les autres.

Oh, oui, le public allait adorer. Et c'était aussi le genre "d'histoire" qui intéressait tout particulièrement Erwan. Il aimait ce qui sortait du commun, de l'ordinaire. Cela lui permettait d'oublier notamment sa propre vie. Alors il s'était dépêché de finir son travail, sans le bâcler, afin d'être fin prêt à 17 heures pour aller au Café Français.

Voulant prendre le temps de relire le dossier qu'il avait réuni sur Penny Redmaine, il décida de prendre un taxi qui l'emmènerait jusqu'au lieu de rendez-vous. Il aurait ainsi largement le temps de lire puis de se préparer. Penny Redmaine était une petite fille tranquille qui s'était engagé ensuite dans l'armée après sa transition. Il se souvint lorsqu'il avait entendu parler de cette soudaine ouverture d'esprit au sein de cette institution éculée, à l'époque, cela l'avait étonné et ravi à la fois. Puis, une fois sur le champ de bataille, Penny avait été enlevé, pris en otage et torturé pendant un long mois. Des rumeurs circulaient sur le fait qu'il ait connu l'amour dans la guerre et que cet amour était décédé lors de cette captivité.

Erwan ressentait beaucoup de compassion à l'égard de cet homme qui en avait assez vécu pour une vie. Et il voulait réellement que l'histoire de cette personne soit couchée sur le papier, c'était son métier de désirer que de tels destins soient immortalisés. Les négociations allaient cependant être probablement difficiles. Penny Redmaine ne se laissait pas facilement approcher, il devait sûrement souffrir d'un stress post-traumatique, la maladie du soldat revenant de bataille. Il était issu d'une famille très aisée mais pourtant se cachait à South L.A., le quartier pauvre par excellence. Il répondait peu au téléphone et quand il répondait, c'était pour hurler son refus.

Dire qu'Erwan avait été étonné d'obtenir un rendez-vous était un euphémisme. Mais il ne ferait pas la fine bouche. A lui maintenant de prouver qu'il méritait sa place !

Il entra enfin dans le bar, dossier sous le bras, et s'installa tranquillement à une table, attendant que son rendez-vous arrive. Il ne commanda rien, par corretion, préférant attendre que son invité arrive. Cela lui permettrait notamment de prendre la température. Est-ce que ce Penny viendrait pour tout refuser en bloc une dernière fois ? Ou alors est-ce qu'il était réellement intéressé, ayant subitement changé d'avis ?

Le voilà justement. Erwan se leva brusquement, tendant la main afin de serrer celle de l'homme.

"Bonjour, Monsieur Redmayne. Je suis Erwan Cent, de la Maison d'Edition Fathers and Sons. Je suis ravi d'avoir obtenu un rendez-vous avec vous. Puis-je vous offrir quelque chose à boire, à manger ?"

Erwan fut surpris de constater à quel point c'était un homme séduisant. Il ne s'attendait pas à ça, enfin, si, la photo l'avait aiguillé, mais il s'attendait vraiment à quelqu'un de moins... viril, de plus efféminé peut être. Erwan préféra conserver son regard impassible quelques secondes, avant d'accorder un sourire à l'homme, la main toujours tendue.

On peut dire que ta journée à commencé au lever du soleil. Depuis l'emménagement d'Ambre on peut dire que tu es plutôt perturbé. Pas par la personne en elle-même mais surtout parce qu'Ambre est tout l'opposé de Paige. Qu'au lieu d'être discrète elle fait du bruit... et qu'elle est curieuse et que depuis ton retour on ne peut pas dire que tu es très loquace. C'est donc pour ces différentes raisons que tu te lèves tôt. Enfile un sweat, un pantalon de jogging et file courir une bonne heure voir deux... cela dépend tes idées noires. Ce matin on peut dire que tu as réussi à tout évacuer en une heure et demie. Du moins la surface. Depuis ton retour tu n'as pas parlé de Quincy. Ni a ta famille, ni a tes proches amis... personne. Quincy reste pour toi un secret que tu compte bien garder aussi longtemps que possible. Y émettre des mots ce serait accepter le fait qu'il n'est plus de ce monde. Tu as beau l'avoir vu mourir, c'était là-bas... et il s'en est passé des choses sur le terrain.. Tes cauchemars ne t'aidant pas tu te demandes parfois si ton esprit invente où si tu as réellement vécu tout ça? Dans ces moments-là, dans ces remises en question tu te poses alors cette question: pourquoi as-tu survécu? Pourquoi ce n'est pas Gardner qui a laissé deux filles? Pourquoi ce n'est pas Quincy Wyatt qui a laissé une famille aimante derrière lui? Finalement pourquoi, toi Penny Redmayne tu es encore vivant alors que depuis ta naissance tu as assumé ta différence et défié mère nature... Tu sors un paquet de cigarettes de ta poche. En sors une, demande du feu à un passant qui te le tend généreusement. Tu le remercie, il fait de même. Surpris, tu jettes un coup d'oeil sur ton sweat et réalise que tu portes celui de l'armée. L'officiel. Tu soupires et tire une latte. Marche en toute tranquillité en direction de l'appartement. Arrivé, tu files dans ta chambre. Récupère des affaires avant de t'enfermer dans la salle de bains. Tu prends une douche, l'eau est brûlante. Tu ne la crains pas. Tu as tellement pris de douche glacé durant ton service, que l'inverse t'attire. Cela a beau faire ressortir tes cicatrices - lorsque tu sors de la cabine et que tu le remarques à travers le miroir - ça te rappelles que tu n'es pas invincible. Tu te coiffes. T'habilles puis décide de te rendre dans la cuisine pour préparer un petit-déjeuner. Tu es étonné du silence planant dans la pièce.

"Il y a quelqu'un?"

Tu attends quelques minutes... pas de retour. Un sourire se dessine sur ton visage. Tu es seul. Ton corps se détend et prépare tes oeufs pochés dans le silence des plus somptueux.

Tu passes une journée plutôt apaisante. Tu décides même de prendre tes cachets concernant le stress-post-traumatique. Il est vrai que de ce côté-là tu ne respectes pas vraiment les règles... et qu'on a beau te répéter de les prendre de manière constante et surtout régulière... tu ne poursuis pas les mêmes opinions. Étant de bonne humeur, tu prends la décision de préparer un manger pour le soir, pour les filles. Même si tu n'es clairement pas un cordon bleu tu peux toujours tenter quelque chose?! Tu enfiles ta veste et pars en vadrouille à la recherche du repas ou du moins des ingrédients idéales. Ton téléphone sonne. Tu le sors de ta poche et y réponds.

"Oui?" "Bonjour... Penny vous allez bien?" "Ça va merci... hum... excusez-moi mais je ne reconnais pas la voix.. Puis-je savoir qui se cache derrière?" Demande-tu suspicieux. "Oui bien sûr. Je suis l'attaché de presse de votre père. Nous avons rendez-vous dans une heure à Echo Park." "Comment ça nous? D'où il y a un nous?" "Vos parents m'avaient certifiés que vous étiez au courant... c'est gênant. Depuis votre retour on peut dire et merci à vous que vous ne faites pas de vague, mais nous devons être vigilant et... au vu de votre passif, nous devons être préparé." Tu ris, jaune. "Ai-je le choix?" "Vous vous doutez bien que non." Tu soupires. "D'accord... A tout à l'heure!" dis-tu avant de raccrocher.

Tu as beau te dire que de cette manière tu te rapproches de ta famille... tu te sens de nouveau manipulé par ton père, ce qui n'est pas un sentiment agréable. Arrivé devant le café français tu reçois un coup de fil de... ta mère. Surprenant! Tu réponds toutefois heureux de ce soudain intérêt.

"Maman... je.. tu vas bien? Je suis actuellement devant le café français pour rencontrer votre attaché..." dis-tu lascivement. "Il a osé... Ton père va m'entendre." "Je comprends pas là." "Penny... ce n'est pas l'attaché que tu vas rencontrer aujourd'hui... c'est un éditeur..." "Quoi? Mais pour quoi?" "Devine? Pour que tu racontes ton histoire... pour qu'on manipule ton histoire... oh comme je suis énervé contre lui je... suis..." "Allo? Allo maman?"

ça raccroche. Tu essayes de rappeler mais ça tombe sur la messagerie. Un agacement monte en toi. Toi qui a réussi a éviter tout ces potins et autres charognards pour ton histoire, ton vécu, tu viens de te faire avoir par ton propre père... Au lieu de fuir, tu décides étonnamment d'y aller et d'affronter la situation. Tu pénètres dans le café et remarque directement l'homme qui se lève et qui te tend la main. Ton rendez-vous n'a facilement pas été difficile à trouver.

"Oui..." dis-tu ironiquement en regardant sa main. "C'est vrai qu'il est difficile de m'obtenir... mais apparemment pour vous.. ce fut miraculeux."

Tu plonge ton regard dans le sien. Il est mignon le con.

"C'est vrai que c'est plus simple quand on passe par ma famille. Malicieux vraiment!"

Tu hésites à tendre ta main... mais gentil comme tu es tu lui offres ta poigne. Sa main est douce, agréable, tu la retires immédiatement puis t'assois.

"Je vais prendre une bière, ça vous va? Ou ce n'est pas assez professionnel ou rangé qu'on pourrait le penser?" demandes-tu de ta voix basse.

En voyant son client arriver dans le bar, Erwan avait bien compris que quelque chose n’allait pas. Il avait l’air énervé, le téléphone dans la main, et cherchait de façon presque compulsive. Heureusement qu’il s’était levé en se présentant immédiatement. Et le « oui » ironique de son vis-à-vis le confirmait. Aïe... Ça commençait déjà mal. Qu’est-ce qu’il se passait ? Sa secrétaire avait-elle merdé quelque part ?

« C'est vrai qu'il est difficile de m'obtenir... mais apparemment pour vous... Ce fut miraculeux. C'est vrai que c'est plus simple quand on passe par ma famille. Malicieux vraiment !
_Hé bien, je dois avouer que j’ai passé beaucoup de temps à vous envoyer du courrier et des coups de téléphone. Cependant, ces trois dernières semaines, c’est ma secrétaire qui a pris les choses en main, j’étais en déplacement professionnel. Je suis désolé de constater qu’elle a mal fait... »

Erwan s’assit en même temps que Penny et l’observa silencieusement quelques secondes. Il avait l’air stressé, il avait même hésité à répondre à sa main tendue ! Pourquoi ? De toute évidence, sa secrétaire avait convenu d’un rendez-vous avec la famille de l’homme et n’avait pas clairement donné les détails de la demande de rendez-vous. Pourtant, il avait insisté : c’était pour écrire un livre sur son histoire, uniquement s’il le souhaitait ! C’était important de faire du business, mais c’était important aussi de respecter l’homme qui se cachait derrière l’histoire.

Erwan nota mentalement d’interroger ses employés sur cette histoire. Puis, Penny continua sur un ton défensif à parler.

« Je vais prendre une bière, ça vous va? Ou ce n'est pas assez professionnel ou rangé qu'on pourrait le penser ? »

Il était vraiment surpris, il s’attendait à tout sauf à cela. Le rendez-vous ne serait finalement pas aussi simple qu’il le pensait, ce serait probablement même un parcours du combattant. Il hésita un peu sur la marche à suivre. Mais il se reprit immédiatement, éducation oblige, et fit un léger sourire tout en desserrant un peu sa cravate. Peut-être était-ce de la manipulation d’un regard extérieur, mais tout en Penny lui donnait une impression de tension et il fallait absolument que ça s’arrange. Erwan était trop empathique pour son bien, il ressentait parfois les émotions qu’il pouvait déceler chez les personnes, ce qui expliquait probablement ses angoisses quand il était face à sa femme. Mais il aimait à la fois son travail et le respect des personnes pour rester ainsi.

Il rangea immédiatement tous les dossiers qu’il avait posés sur la table, les connaissant de toute façon par cœur, et s’assit de façon plus confortable, sans être avachi. Une fois la table libérée, il rangea son sac entre ses jambes, afin d’avoir malgré tout tous les documents nécessaires à portée de main. Il se savait capable de convaincre cet homme, on ne sait jamais. Une fois tout cela fait, il adressa à nouveau un sourire à Penny. Il espérait que cela le mettrait plus à l’aise face à une situation compliquée.

« Ne vous en faites pas, je vais prendre une bière aussi, le retour au travail est toujours un peu difficile. »

Il fit signe au serveur, qui vint pour prendre la commande. Il demanda deux bières bien fraîches qui ne tardèrent pas vraiment à arriver. Une fois celles-ci sur la table, Erwan attrapa son verre, trinqua avec Penny puis but une première gorgée assez généreuse. Il n’était pas particulièrement fan de l’alcool mais parfois, avec modération, ça lui faisait du bien. Le retour au travail était en effet difficile, il avait vécu plusieurs semaines d’intenses déplacements, il était fatigué et il fallait qu’il continue son travail au bureau malgré tout, avec parfois des urgences qui se superposaient.

« Une bière, ça fait toujours du bien, quand c’est bien frais. Peut-être n’est-ce pas professionnel ou rangé, comme vous dites, mais au final, on s’en moque, non ? »

Erwan laissa échapper un petit rire, puis se redressa en mettant ses avants bras sur la table.

« Savez-vous au moins pourquoi j’ai demandé un rendez-vous avec vous ? Histoire d’être sur la même longueur d’onde. »

Ce serait quand même le minimum que de se mettre d’accord sur le sujet du jour et d’avancer tranquillement. De toute façon, Erwan avait tout son temps, personne ne l’attendait à la maison et il ne retournerait pas au bureau avant demain.

Ce qui t'étonne c'est que ton interlocuteur a une résistance contre l'ironie assez fascinante. Alors soit il n'a pas de personnalité, soit c'est un homme qui se contrôle avec panache. Lorsqu'il évoque sa secrétaire tu ne peux t'empêcher de l'observer pour voir si il te mens. Tu souris alors.. manque de rire.

"Mal fait? Je vous fait remarquer que lorsqu'une personne ne répond pas à des coups de fil ça veut dire ce que ça veut dire..." dis-tu en essayant de te rappeler son nom... puis l'illumination arrive. "Erwan Cent... alors c'est vous... je m'en souviens maintenant. Vous avez des tendances aux harcèlements non? Enfin je préfère vous dire que contacter ma famille franchement c'est bas! Mais ça ne devrait pas m'étonner au vu de votre passif!"

Oui dès que tu es énervé tu as tendance à pousser le bouchon trop loin, à vouloir énerver les gens... A les mettre au même level que le tien. Tu ne peux pas vraiment expliquer la raison du pourquoi tu agis de cette manière. Certainement parce que c'est plus simple de jouer la carte défensive plutôt que de s'avouer désemparer, perturbé et triste. Car c'est ton état. Tu es loin d'avoir fait ton deuil, loin d'avoir accepté l'idée que tu as été torturé, que tu as failli mourir là-bas. Que tu as été humilié... que tu as vu des gens mourir... Le terrain ce n'est pas une partie de plaisir et tu n'as pas le droit de t'en plaindre car c'est ce que tu as voulu. Tu as désiré te retirer de cette jeunesse dorée. Tu as tout fait pour ne plus rien avoir avec eux, avec le monde de tes parents et pourtant en un seul coup de fil tu te retrouves à être dans leurs filets... à devoir écouter un pauvre garçon qui va te vendre la meilleure idée du siècle en affichant ton histoire dans les plus grands journaux... en faisant de ta vie un best-seller... alors que tu aimerais tout simplement oublier cette affaire... cette vie... ce sentiment douloureux qui apparaît à chaque réveil. Ce manque qui se fait ressentir à chaque pensée.

Alors tu ironises sur le fait que tu n'es pas comme les autres membres de la famille Redmayne. Que tu es à contre-courant et que tu as envie de crier sur tout les toits que tu es différent. Sa réponse te fais rire. Vraiment rire et tu réponds d'un ton sarcastique :

"C'est vrai... bon généralement je me prends des bombes à mon retour du boulot.. mais le petit verre d'eau de la fin de journée... c'est vrai que ça fait du bien.. pour moi la bière vous voyez..." dis-tu en attendant que le serveur vous les déposent sur la table. Tu prends alors ton verre. Tu fixes ton regard sur le liquide. Fais tourner le verre. "C'est un luxe... un grand luxe!" dis-tu en finalisant ta phrase par un murmure.

Son verre levé, tu n'as plus que lever le tien et trinquer... tant bien même tu viens de casser l'ambiance... Tu veux lui montrer que tu n'es pas, que tu ne te sens pas en terrain allié. A sa question tu ne préfères pas répondre. Tu relèves juste les yeux. Souris et bois une gorgée de ton breuvage. Erwan change de posture. Il est plus avenant, il donne tout. Pendant une demi-seconde tu te demandes ce qui se serait passé si tu l'avais rencontré dans d'autres circonstances.

"Eh bien vous voulez parler de ma vie..." dis-tu tout simplement. "Parce qu'apparemment elle vous passionne... alors à quel degrés? Est-ce le fait que je sois né avec le mauvais sexe? Ou est-ce le fait que j'ai fait l'armée? Les deux? Je chauffe je refroidis?" demande-tu en empruntant la même posture que l'éditeur. Un sourire malicieux s'esquisse sur ton visage. Autant jouer dans cette mascarade plutôt que de la regarder de loin.

Erwan sentait bien que Penny Redmaine maniait avec art la provocation. Il n’était pas content d’être là et il ne le cachait pas. Il sentait la moutarde lui monter au nez au fur et à mesure de la discussion. Effectivement, une personne qui ne répondait pas aux coups de fils, ça voulait tout dire... Effectivement – même si ce n’était pas lui – passer par la famille, surtout lorsqu’on sait que ce n’est pas non plus très fusionnel, c’est bas. Alors il se contint, s’appuyant sur toute l’éducation que son père lui avait donnée pour se contenir.

« Parce qu'apparemment elle vous passionne... alors à quel degré ? Est-ce le fait que je sois né avec le mauvais sexe? Ou est-ce le fait que j'ai fait l'armée? Les deux? Je chauffe je refroidis? »

Erwan sentit l’homme s’approcher de son visage et sentit son cœur battre un poil plus vite. Mais il mit ça sur le compte de l’énervement. Il se retenait de baisser le maque et de parler avant de penser. Malheureusement, le Erwan intérieur, celui qui bouillonnait bien caché dans son cerveau, prit le dessus. C’était trop, il n’y pouvait rien si ses employés merdaient. Il était crevé, sa femme était un monstre de haine et il en avait assez de prendre toujours sur lui. Tant pis si ce contrat lui passait sous le nez, ça aurait donné quelque chose de génial et un bon chiffre de ventes, mais Nelson Fathers and Sons survivrait sans Penny Redmaine.

Alors, Erwan posa son verre, réfléchit deux secondes, puis commença à parler.

« Je présente à nouveau toutes mes excuses au nom de Cent Fathers and Sons. Si j’ai insisté ainsi auprès de vous, c’est parce que c’est mon travail, parce que j’aime ce travail, et parce que je n’ai jamais reçu aucun refus clair de votre part, que ce soit par téléphone ou par courrier. Un mot de vous et tout allait à la poubelle. Si vous voulez, j’ai tout le dossier que j’avais préparé, avec copie des lettres et dates et heures des appels que j’ai personnellement passés. C’est dans le sac, ici, entre mes jambes. Si vous voulez, je vous donnerai ma serviette, vous écrirez non dessus et vous partirez. Mais laissez-moi vous expliquer d’abord mon projet. Non, vraiment, laissez-moi parler.»

Une veine palpitait à sa tempe, il se retenait beaucoup, mais ça sortait vraiment tout seul. Quelque part, une moitié de lui voulait redevenir conciliant et mielleux, mais une autre en avait assez d’être tout le temps soumis, tout le temps gentil.

« Un de mes auteurs phare a pour projet d’écrire un livre sur la façon dont sont traités nos soldats américains, autant avant, pendant et après le front. Vous faites partie de ces soldats qui, malheureusement, ont connu une expérience éprouvante et sont aujourd’hui toujours vivants pour en parler. »

Erwan s’arrêta quelques instants, but une gorgée de bière. Puis, il continua.

« Vous n’êtes pas le seul à revenir, vous avez été pris en otage et on vous a libéré. L’Amérique arrive à vivre avec ce peu d’informations, compatit avec votre douleur, vous acclame comme un héro revenu des Enfers, et après... Quoi ? Rien. L’Amérique comme l’Armée oublie qu’avant d’être un soldat et un héro, vous êtes un homme et une victime de la guerre. Vous souffrez probablement de stress post-traumatique, vous êtes agressif – non ne tentez même pas de me contredire, vous basculez votre frustration sur moi. »

Erwan approcha alors son visage de Penny et le regarda droit dans les yeux.

« Alors quand vous me demandez si je veux tout savoir sur votre changement de sexe, ou sur l’armée, ça m’énerve, car je me moque de tout ça. Ne me jugez pas avant de m’avoir écouté, de la même façon que j’essaye de vous traiter sans jugement. C’est vous, qui m’intéresse, vous et votre expérience de soldat qui a vécu une expérience traumatisante et qui doit vivre avec ça seul. »

Erwan se redressa ensuite, la colère montant contre lui-même et attrapa sa serviette en papier ainsi qu’un stylo. Il vérifia s’il marchait et tendit ensuite les deux objets à Penny, brusquement.

« Voilà, j’ai dit ce que j’avais à dire. Maintenant, écrivez-moi clairement non sur cette serviette, et je m’en irai. Vous n’entendrez plus parler de moi, du moins plus pour vous harceler, n’est-ce pas ? Et puis, fuir devant la difficulté, ce serait dommage pour un soldat... Pourquoi ne pas dire oui, tient ? C’est comme vous voulez. »

Puis Erwan s’adossa contre le dossier de son siège, croisa les bras dans une position de défi. Et enfin, intérieurement, sans rien montrer, il se fustigea.

*Merde, merde, je vais perdre le contrat, je vais... Merde !*

Tu ne sais pas vraiment à quoi tu t'attendais. Une réaction ça c'est certain, mais il est vrai que tu ne pensais pas que tes titillements allait réveiller la colère de ton interlocuteur. Tu te réinstalles dans ton siège. Tu croises les bras et écoute attentivement le monologue de monsieur l'éditeur.

"Je ne suis pas autant dramatique, mais par contre j'aimerais bien savoir ce que vous avez récoltés sur moi et comment vous l'avez fait!" dis-tu en gardant ton sang-froid.

Tu as beau avoir la mâchoire serré tu as réussi à retourner la situation et celui qui se retrouve à présent désemparé et sur les nerfs n'est autre qu'Erwan. Tu as pris le contrôle de la situation et cela te rappelles l'époque lycée ou tu adorais manipuler les esprits. Il te demande de le laisser parler. Tu acquiesces, bois une gorgée de ta bière et le laisse continuer. Qui sait peut-être que son argumentaire va un moment ou un autre tenir ou au moins amener quelque chose qui pourrait t'intéresser. Il évoque alors son auteur "phare", son auteur à succès qui a eu cette idée originale d'évoquer l'armée et ses soldats. Tu te redresses. Plonge ton regard dans le sien et ne le quitte pas des yeux. Il faut qu'il fasse attention aux mots qu'il va emprunter... sinon tu sens que tu risque de partir, de vriller et de ne plus pouvoir te contrôler.

"Chaque soldat à vécu une expérience éprouvante sur le terrain." tu le corriges. Tu te sens obligé de le faire. "Les cas ont beau être différents, aucun soldat ne rentre indemne du champ de bataille. Si le sujet vous intéresse tant, faites attention à vos paroles. Car chacune ont un impact." dis-tu avant de reprendre une gorgée, suivant celle d'Erwan qui se relance par la suite dans un nouveau monologue.

Il évoque la prise d'otage. Tu sers les dents. Son début est très romanesque. Ce qu'il ne peut savoir c'est que ça te va très bien. Que tu n'as besoin de rien, que tu es fier d'avoir défendu ta patrie et que tu t'en fous du peu de reconnaissance qu'on peut avoir. Tu sais que ton travail a changé des vies. En a sauvés... tu ne peux lui retirer le fait qu'il n'a pas tord sur l'état actuel des opinions vis-à-vis des soldats, mais selon toi un livre ne risque pas de changer la donne. Tu commences à ressentir de la sympathie pour Erwan, mais tout dérape lorsqu'il évoque ton stress post-traumatique. Tu vas d'ailleurs pour lui répondre lorsqu'il te coupe la parole avant l'heure. Il se rapproche de toi... et tu essayes de te contrôler, car au vu de ton impulsivité tu aimerais lui cracher à la figure. Tu essayes de te concentrer sur autre chose, sur ses paroles. C'est dingue ce qu'il peut débiter. Il te donne par la suite un bout de serviette et un stylo. Apparemment le choix t'appartient. Il te proposes un petit ultimatum. Tu tilt cependant sur cette phrase du : vous n'entendrez plus parler de moi, du moins, plus pour vous harceler... que dois-tu comprendre? Tu préfères avant de connaître cette réponse de mettre les pendules à l'heure.

"Je ne suis pas agressif... et si vous vous étiez véritablement renseigné sur moi... vous devrez savoir que tout ce qui est mondain, potins... tout ce qui est bonne image, bonne réputation... ça m'horripile. Je suis sarcastique pas agressif. Je suis aussi impulsif, mais je vous interdis de parler de chose que vous ne connaissez pas. J'ai survécu à une prise d'otage c'est vrai... Quelle force hein? C'est ce qu'on doit se dire... Je..."

Tu aimerais pouvoir en parler, en rire d'un humour noir... mais tu revois le soldat Garder, tu revois Quincy et tous tes équipiers. Tu tapes alors ton poing sur la table. Des clients se retournent. La pression se relâche légèrement.

"Tout va bien. Je vais bien." dis-tu... en essayant de te convaincre. "Dire non à votre projet c'est fuir n'est-ce pas? Vous n'avez trouvé que ça? Si je fais un témoignage et je dis bien si... je ne veux pas que ce soit larmoyant. Parce que quand on est sur le terrain, on se défonce pour ne pas tomber..." dis-tu en réalisant que tes mains tremblent.

Tu les cachent sous la table. Tu faiblis. Il ne faut vraiment pas que tu te laisses submerger. Tu rebois une gorgée de ta bière et hèle le serveur pour en commander une nouvelle. "Une autre?" demandes-tu.

Erwan allait répondre lorsque Penny frappa sur la table. Il sursauta, et quand il vit du coin de l’œil un serveur venir pour savoir ce qu’il se passait, il fit un signe pour signaler que tout allait bien. Il ne fallait surtout pas qu’on vienne les déranger, quelque chose se passait. Il parlait. Alors il voulait qu’il continue. Il le laissa parler. Après tout, c’était de bonne guerre, lui-même avait été plutôt agressif à son tour. Autant laisser la colère sortir, peut-être serait-il plus disposé après.

"Dire non à votre projet c'est fuir n'est-ce pas? Vous n'avez trouvé que ça? Si je fais un témoignage et je dis bien si... je ne veux pas que ce soit larmoyant. Parce que quand on est sur le terrain, on se défonce pour ne pas tomber..."

Erwan sentit une ouverture arriver et se dit que c’était le moment pour relancer une nouvelle défense à son projet. Peut-être que rien n’était perdu encore. Il fallait tenter, jusqu’à ce qu’il écrive non sur cette fichue serviette. Ou oui.

« Le livre ne sera pas larmoyant une seule seconde, et il ne sera pas mondain ni axé sur les potins. Je vous promets que tout sera traité avec un grand sérieux. Le but final de ce livre est de faire réfléchir, il s’agit d’un pamphlet, si vous voulez, un essai autour du problème des soldats atteints de stress post-traumatique. Peut-être que ce ne sera pas un livre révolutionnaire, mais au moins, on essayera. Le travail de l’écrivain, c’est d’écrire avec le plus de matière possible. Le travail de l’éditeur, le mien donc, c’est de faire en sorte que l’écrivain soit lu. D’autant plus que c’est lui qui vous a choisi. Vous lui avez plu, au travers des journaux. Moi, ce que je sais sur vous, c’est-à-dire bien peu, ça sort de mes contacts chez les journalistes. D’autant plus que si vous aimiez réellement les mondanités et les potins, nous nous serions probablement croisés à une réception, mon père affectionnant particulièrement ces choses-là. »

Erwan rebut une gorgée de sa bière, la finissant presque. Penser à son père l’avait miné. Il secoua la tête afin de ne pas y repenser et se focalisa à nouveau sur l’homme en face de lui. Puis il termina :

« Je respecte les soldats pour ce qu’ils font. Je n’en serais jamais capable, tel que je me connais. Je suis à peine capable de lever l’arme que j’ai chez moi pour me protéger. ironisa Erwan. J’imagine bien qu’ils gèrent leur travail comme ils peuvent, sur le champ de bataille comme au pays. Moi, mon champ de bataille actuel, ça va être d’améliorer leurs conditions de vie et de soin. »

Et Erwan finit sa bière. C’était probablement la première fois qu’il buvait aussi vite, mais parler donnait soif. D’autant plus qu’il avait l’impression que sa gorge desséchait. Il n’arrivait pas à lire en Penny, il était un mystère à lui tout seul. D’un côté il semblait fort, il menait la situation. D’un autre, il balbutiait, souffrait intérieurement. Comment parvenir à lire dans ce tourbillon d’émotion ? Il avait l’impression de se voir lui-même. Probablement aurait-il été comme lui s’il ne s’était pas soumis à son père, ou s’il ne s’était pas marié à Sydney.

Lorsque Penny proposa d’en prendre une autre, Erwan ne put pas refuser. Il fit alors un grand sourire en acquiesçant. Il y avait de l’espoir. Il croyait en chaque livre qu’il était chargé de vendre, mais il était tout particulièrement touché par ce livre sur les soldats depuis l’instant où il avait fallu le défendre devant Penny. Heureux de voir qu’il avançait, il se détendit et observa un peu en silence son futur – on l’espère – client.

Puis il constata un léger tremblement à la main de son vis-à-vis. Il tentait certes de le dissimuler mais lorsque le serveur arriva avec la nouvelle tournée de bière, la main tremblait encore en saisissant le verre. Erwan hésita à en faire mention. Il eut même un geste incontrôlable qui consista à tendre sa main vers celle de Penny, comme pour la serrer entre ses doigts afin qu’elle ne tremble plus, mais il changea d’avis à la dernière seconde. Il s’agissait de ne pas le braquer. Puis il décida de faire autrement.

« Je suis désolé de m’être emporté, ça ne me ressemble absolument pas. Voilà ce que je vous propose. Vous rencontrez l’auteur, vous discutez avec lui. Avec ou sans ma présence, bien sûr. Cela ne vous engage à rien. Il pourra sans doute défendre son œuvre mieux que moi. Votre histoire, vos conditions. »

Enfin, Erwan but une nouvelle gorgée de bière. S’il continuait sur cette pente, il allait finir bourré et allait devoir rentrer en roulant par terre. Ce serait de mauvais genre, et sa femme serait capable de se moquer de lui pendant au moins un mois. Non, il n’allait certainement pas faire ça.

Tu as beau te dire que rien n'a changé. Que ton regard envers ta chère Amérique n'a pas bougé. Que ceux que tu adresses envers les passants, les inconnus sont toujours aussi bienveillant... pourtant tu sais au fond de toi qu'une partie de ton esprit est encore là-bas. Qu'à chaque alarme de voiture, qu'à chaque choc perçu, entendu, tu sursautes et tu te perds dans une réalité qui t'étais encore tienne il y a de ça quelques mois. Est-ce qu'un jour cela changera? Est-ce qu'un jour tu marcheras dans la rue tranquillement... tu as beau essayé de te rassurer, de te dire qu'évidemment... un jour tout redeviendra à la normal... puis tu repenses au fait que tu risques de repartir... et là l'angoisse te regagne. Ta nervosité est de plus en plus compliqué à contrôler et cela se ressent dans ton rendez-vous actuel. "Je ne veux pas qu'on parle de moi comme le traumatisé..." certes, ce n'est pas bien de couper la parole à son interlocuteur, mais tu as besoin de mettre les points sur les i. "Merci de me définir vos jobs c'est vrai que j'étais un peu perdu." dis-tu ironiquement. "Oh cool. Vous devez avoir une piètre opinion sur ma personne alors." Tu n'es pas du genre à lire ce qu'on a pu écrire sur toi... mais il est vrai que tu as entendu des rumeurs et qu'à une certaine époque on peut dire que tu en a pris pour ton grade. Tu remarques que le regard d'Erwan change à l'évocation de son père. "Je ne pense pas que nous nous sommes croisés auparavant et certainement pas à ce genre de réception... Je m'en serais souvenu." dis-tu honnêtement.

Erwan retourne sur le sujet premier et sa dernière tirade te fais sourire.

"Oh... ok. Vous êtes rêveur non? Je veux dire votre discours est très engageant, mais... vous pensez vraiment changer l'avis de la population avec votre bouquin? Vous savez c'est bien beau de consacrer quelques pages sur les soldats... mais ce n'est pas en lisant qu'on change les choses... c'est en se bougeant!"

ça y est voilà que tu te relances dans tes beaux discours... Toutefois tu es convaincu du tien, plutôt que celui de Monsieur Cent. Qui malgré son entrain de vouloir vendre, se trouve être aussi bienveillant. Lorsque tu attrapes ta bière, tu sens ta main trembler et remarque la main qu'il tente de t'offrir. Un sourire sincère passe sur ton visage. Ton regard est plus agréable à son égard.

"Votre présence est agréable... puis maintenant que je vous ai rencontrés je préfère que vous soyez là pour tout rendez-vous concernant ce futur bouquin dont je ne suis pas sûr de signer!" Oui tu ne peux t'empêcher de faire remarquer tes doutes... tes incertitudes.

"Ça fait longtemps que vous faites ce genre de boulot?" dis-tu en prenant une gorgée de ta bière. Tu remarques au même moment qu'il n'a pas l'air de suivre la cadence. "Dites-moi vous avez déjà bu de l'alcool?" demandes-tu amusé. Tu remarque que ton corps se détends de plus en plus.

"Oh... ok. Vous êtes rêveur non? Je veux dire votre discours est très engageant, mais... vous pensez vraiment changer l'avis de la population avec votre bouquin? Vous savez c'est bien beau de consacrer quelques pages sur les soldats... mais ce n'est pas en lisant qu'on change les choses... c'est en se bougeant!
_En se bougeant, je suis bien d'accord. Mais tout ne va pas vite, il faut bien des gens comme vous, moi, des auteurs, pour graver dans la pierre des opinions qui peuvent faire changer les choses, justement. Peut-être suis-je un rêveur, mais au moins, j'essaye."

Erwan était très satisfait de voir un sourire naître sur les lèvres de Penny. Cela signifiait qu'il se détendait un peu. Cela se voyait aussi dan sa posture. Il sentait qu'il commençait à faire mouche. Génial !

"Votre présence est agréable... puis maintenant que je vous ai rencontrés je préfère que vous soyez là pour tout rendez-vous concernant ce futur bouquin dont je ne suis pas sûr de signer!"

Et ces dernières paroles finirent par faire rougir Erwan. Agréable ? Mais je n'ai pas arrêté de lui chercher des poux ! Il doit sacrément aimer qu'on lui opposer de la résistance, dis moi. Mais le rougissement disparut lentement. L'alcool avait décidément déjà fait son effet. Mais il n'allait pas abandonner sa boisson sur la table comme ça, c'était d'un mauvais genre. Il se dit qu'il avait vraiment bien fait de ne pas prendre sa voiture pour venir au rendez-vous, il se serait tué en route. Et Sydney aurait été libre... Oui, mais lui aurait été mort et ce n'était pas dans ses projets !

Néanmoins, il était content qu'il accepte au moins de rencontrer l'auteur. C'était une grande avancée et il préféra ne pas commenter afin que Penny ne change pas d'avis. Il montra néanmoins son accord en trinquant sa bière avec son verre en disant "deal". C'était une bonne chose de faite, le rendez-vous n'était pas vraiment facile mais à présent, il allait pouvoir se détendre.

"Ça fait longtemps que vous faites ce genre de boulot?
_Oh, oui, j'ai toujours fait ce travail. Dès que j'ai fini mes études de littérature, à vrai dire."

Erwan avait répondu à la question avec un petit étonnement dissimulé. Il ne pensait pas qu'il s'intéresserait à lui après cette partie de bras de fer. Mais il sourit tout de même. Il aimait beaucoup parler de son métier, c'était sa passion.

"Je ne me vois pas faire autre chose que celui-là. J'adore le livre, j'adore les auteurs, et j'adore tout ce qu'il y a autour. Et surtout, j'aime ma maison d'édition."

Erwan eut un petit sourire discret, il aimait vraiment cette entreprise familiale, c'est pour ça qu'il refusait de divorcer, il sacrifiait tout pour cela. Puis il secoua sa tête et allait retourner la question à Penny quand il fut devancé :

"Dites-moi vous avez déjà bu de l'alcool?"

Le premier réflexe d'Erwan fut de vouloir dire que oui, bien sûr ! Il avait déjà bu de l'alcool ! C'était même quelque chose qu'il faisait souvent ! Mais en réalité, il était du genre à se balader avec la même coupe de champagne toute la soirée en faisant semblant de boire en trempant ses lèvres rapidement de temps en temps. Il buvait donc autant qu'un enfant de 10 ans, et ça se voyait. Il avait une envie irrépressible de rire qu'il retenait à grand peine. Il se moquait de lui-même, il était ridicule. Il s'était enflammé pour défendre son projet comme il ne le faisait jamais. Alors il décida d'avouer la vérité.

"J'avoue, j'ai pris de la bière pour vous accompagner, mais sinon, je bois vraiment peu. Je suis vraiment ridicule."

Il lâcha un petit rire, se cachant le visage dans la main, coude sur la table. Il se sentait pathétique mais subitement bien détendu, bien plus qu'il ne l'avait été depuis un moment. Si sa femme le voyait... Ou même son père ! Puis il regarda Penny, toujours le rire dans la voix :

"Et vous ? L'alcool, vous en avez déjà bu ? ... Oh, bien sûr que oui, vous êtes dans un meilleur état que moi."

Il a de la répartie. Tu apprécies, au moins si tu te fais apprécier il saura défendre tes idées. C'est bon à savoir dans ce genre de situation, bien que tu sois encore dans le doute par rapport à toutes cette situation. Toi qui savais pertinemment qu'en changeant de sexe, ta réputation allait fortement changer, tu ne pensais pas retrouver la lumière des projecteurs à ton retour de guerre. Comme quoi la vie aime les hasards. Comme quoi elle apprécie te mener en bourrique. Est-ce ton destin d'être malmené? Tu es fatigué de te battre, mais finalement peut-être que c'est ta vocation? Tu as toujours détesté l'ennui, au moins on peut dire que depuis ton retour, tu n'en a pas eu le temps.

Face à tes dernières paroles tu aperçois un certain rougissement sur les joues de ton interlocuteur. "Je vous fais rougir? Vous n'êtes pas marié?" dis-tu en jetant un bref coup d'oeil sur la main d'Erwan, toujours posé sur la table, présentant une bague. Tu appelles le serveur et lui dis dans l'oreille. "Je vais prendre une bouteille de vin. Vous pouvez me montrer la carte." dis-tu amusé de la situation. Tu veux t'amuser ce soir et ce petit Erwan à l'air d'être très facile à corrompre. Tu sais que ce n'est pas correct, que tu as toujours essayé d'être le plus droit possible dans ta vie... Ok ce n'est pas crédible tu as été une adolescente terrible et lorsque tu es devenu un homme on peut dire que tu en as profondément profité... mais lorsque tu as rencontré Quincy ta vie a totalement changé. Tes pensées sont prêtes à vagabonder mais tu retournes sur Terre et l'écoute parler de sa passion. "Vous avez l'air d'être un enfant.. c'est bien de réaliser ses rêves de gosses. Vous m'impressionnez au vu de votre personnalité!" Aimer son travail? Il y a différentes manières, niveaux de l'apprécier. Pour toi... évidemment que tu l'apprécies... mais c'est plus un engagement qu'autre chose. Tu n'as pas été du genre à te lever avec le sourire, prête à affronter les combattants... prêt à tuer...

Comme tu l'avais pressenti, Erwan n'était pas un adepte de l'alcool ce qui te fis rire. Tu mordilla ta lèvre. Tu trouvais ça mignon... qu'il te suive pour t'impressionner, tu ne te pensais pas impressionnant ! pas autant ! "Oui... j'en ai déjà bu. On ne va pas dire que je suis un expert... mais on va dire que j'apprécie l'alcool... c'est gentil d'avoir voulu me suivre... mais je compte boire ce soir..." dis-tu en jetant un coup d'oeil sur le serveur, qui a vrai dire te plais autant que le petit Erwan. "Ne vous forcez pas... je ne vaux pas la peine!" dis-tu en lui adressant un clin d'oeil. Le serveur arrive avec la carte des vins. Tu y jettes un coup d'oeil, aperçois ton vin favori. "Je vais prendre ce vin californien. Merci." Tu lui adresses un de ses sourires dragueur avant de re-focaliser ton attention sur Erwan. "Du coup... je vous appelles un taxi? " dis-tu amusé, impatient de connaître sa réponse. Tu es provocateur Penny et très joueur.

Erwan regarda sa bague qui prouvait qu’il était marié puis soupira. Il avait toujours envie de l’enlever, mais il se disait à chaque fois, à quoi bon ?

« Oui, je suis marié. Mais ma femme me hait depuis l’instant où elle a su qu’elle se mariait avec moi. Vous savez, la passion des gens riches, le mariage arrangé. »

Il rit encore de son pathétisme et sursauta légèrement lorsque Penny demanda la carte des vins. Un peu d’alcool encore ! Etrangement, cela ne dérangea pas vraiment Erwan, qui avait presque terminé sa bière. Il s’était toujours dit qu’il ne noierait jamais son malheur dans l’alcool mais finalement, pourquoi pas ? Après tout, c’était une personne intéressante qui lui faisait face et il n’avait réellement pas envie de partir. Il n’avait même pas envie de rentrer chez lui. Et il eut même une espèce de contraction du ventre lorsqu’il le vit se mordiller la lèvre.

*Hein ? Mais c’est quoi ça ? Décidément, l’alcool, je ne le tiens pas une seule seconde !*

"Oui... j'en ai déjà bu. On ne va pas dire que je suis un expert... mais on va dire que j'apprécie l'alcool... c'est gentil d'avoir voulu me suivre... mais je compte boire ce soir. Ne vous forcez pas... je ne vaux pas la peine!
_Je pense vous accompagner, si cela ne vous dérange pas. Ma journée est finie et de toute façon, quoique vous en disiez, vous valez bien la peine, je vous apprécie."

C’était sorti tout seul. Erwan se demanda pourquoi il parlait ainsi mais cessa lorsque le serveur arriva avec la carte des vins. Il le laissa choisir, il n’avait pas le choix de toute façon, Penny ne lui laissa pas le temps ! C’était la première fois qu’il laissait les rennes à quelqu’un lors d’un moment... En fait, il n’avait jamais eu de moments comme ça. D’habitude, il était au restaurant avec des collègues, des clients, des auteurs, il choisissait le vin car c’était lui qui était désigné à chaque fois.

"Du coup... je vous appelles un taxi?"

Erwan avait la vague impression qu’il était en train de se faire draguer. Par un homme. Et ça ne le dérangeait pas plus que ça. Enfin, il se faisait peut être des idées. Il n’avait jamais été dragué et il n’avait jamais dragué non plus. Le peu de relations qu’il avait eu, c’était principalement parce que « c’était comme ça » et parce que son père lui mettait des ouvertures. Pour une fois, il allait faire un truc un peu fou que son père n’aurait jamais apprécié : rester boire avec une personne intéressante et ne rentrer chez lui qu’une fois plein comme une barrique.

« Non, je vais rester. »

Erwan sourit à Penny puis vit le serveur arriver avec le vin. Il laissa le serveur faire son travail, donc verser un peu de vin dans un verre que Penny devait gouter, puis servir complètement après l’approbation. Puis, en essayant –ridiculement- de paraitre classe, il attrapa son verre de vin et but une petite goutte, décidé à faire durer le moment. Il sourit à nouveau et demanda :

« Et vous, d’ailleurs ? Vous faites quoi de vos journées ? »

Craignant d’un coup que Penny pense qu’il enquêtait encore pour son travail, il se sentit obligé de préciser :

« Je m’intéresse réellement à vous, promis. J’oublie tout ce qu’il y a dans mes dossiers, donc pas grand-chose. L’éditeur Erwan Cent est parti, il m’a laissé sa place. Donc je présente à nouveau. Erwan, enchanté ! »

Il tendit sa main pour serrer la main de Penny. Il rit un peu de sa bêtise mais finalement, c’était presque ça, il avait laissé partir le professionnel, le Erwan coincé dans son masque, et avait libéré ce qui était lui-même pour de vrai. Il n’était pas totalement libéré, non, il n’avait pas suffisamment confiance, mais en tout cas il comptait passer une excellente soirée. Tant pis pour le reste, il verrait bien demain.

A ton retour de guerre tu étais persuadé que tu ne te mêlerais plus de ces histoires mondaines. Que malgré ton envie d'être pardonné, tu trouverais le moyen de ne plus supporter ces personnalités ô combien ennuyante qui ont besoin de se créer des problèmes pour avoir une vie dit palpitante. Pourtant te voilà à en côtoyer qui t'avoue être coincé dans un mariage forcé... Tu le plains... Tu as toujours su que tu n'étais pas fait pour ça et que tu allais te battre toute ta vie pour atteindre ton idéal ou du moins le frôler. "Vous auriez pu dire non... mais vous ne l'avez pas fait..." relève-tu. Tu reprends une gorgée de ta bière. "Parfois je peux comprendre qu'on peut se sentir coincé... mais il faut se rebeller lorsqu'on décide de gérer notre vie à notre place... enfin ceci n'est que mon simple avis. On peut dire que j'ai toujours eu les couilles de le faire! Dire merde aux autres et m'en sortir par moi-même!" Il est vrai que c'est plus facile de le dire de s'en vanter, plutôt que de réaliser ce grand pas parfois effrayant... mais tu n'oses imaginer ce qui aurait été ta vie si tu n'avais pas choisi de changer de sexe, si tu n'avais pas choisi ta voie professionnelle de par toi-même plutôt que par les avis de tes parents ou de leurs entourages. Toi qui pensais qu'Erwan allait se défiler tu avais déjà une autre proie en tête: le serveur... mais il arrive à te surprendre en t'annonçant qu'il va continuer la soirée en ta compagnie et qu'en plus de cela, bonus : il t'apprécie. Ça te fais sourire. "Attention Monsieur Cent vous êtes mariés, vos propos pourraient être mal interprété... et si vous ne l'avez pas encore compris... je porte un fort intérêt pour les hommes." dis-tu en souriant avant de te replonger dans la carte des vins. Tu sais que tu mène la danse et c'est certainement pour cette raison, pour ce savoir que tu te comportes de la sorte. Tu as beau paraître à l'aise dans ce genre d'exercice, l'alcool t'aidant à ne pas penser à un certain jeune homme qui t'as pris ton coeur il y a de ça quelques mois. Tu commanda le vin. Attendu dans un silence précieux que la bouteille arrive. Pendant ce temps tu jeta un coup d'oeil sur le beau brun. Il est décidément trop mignon. Le vin fut très vit déposé sur la table. Tu en pris une gorgée, approuva et laissa le serveur servir ton interlocuteur. Avant qu'il ne s'en aille tu glissa tout de même ton numéro dans le tablier de celui-ci. Au cas où. Pour un autre jour. Tu retournes par la suite à tes occupations et tout en prenant une gorgée tu écoutes attentivement la question d'Erwan qui est très vite accompagné d'un argument qui t'amuses au plus haut point. Il tend sa main. Tu te frottes l'arrière du cou avant d'accepter cette nouvelle poignée de main. "Vous êtes véritablement un OVNI vous le savez ça?!" dis-tu avant de répondre. "Je cours... je participe à des réunions et... j'essaye de réparer ma vie... de la remettre un peu plus... droite. Un peu plus stable. Je suis toujours un soldat et mon rang fait qu'en cas d'acte terroriste je peux intervenir dans mon pays. Je ne sais pas trop quand je vais repartir... A vrai dire je ne sais pas trop si j'en ai envie..." dis-tu en toute honnêteté. "Ce n'est pas par rapport à la prise d'otage!" Car tu préfères le préciser." Je n'ai pas peur d'y retourner... je n'ai pas vraiment peur de mourir... j'ai juste..." Tu as juste... tu es juste effrayé par l'idée de recroiser un Quincy... "Et vous vous êtes en train de préparer un plan de fuite?"

"Attention Monsieur Cent vous êtes mariés, vos propos pourraient être mal interprété... et si vous ne l'avez pas encore compris... je porte un fort intérêt pour les hommes."

Erwan était en train de boire quand il entendit ça. Vous devinez ce qu’il a fait… Non ! Il n’a pas craché tout ce qu’il avait, simplement, il a avalé de travers.

*Bon, ce n’est pas un scoop, je le savais porté sur les hommes. D’ailleurs, s’il se sent obligé de le préciser… Non ? Pas moi ? Je n’aime même pas les hommes ! Enfin, j’en sais rien, je n’ai jamais eu l’occasion de me le demander. Et puis, visiblement, non, je ne dois pas tant lui plaire que ça, il vient de mettre un bout de papier dans le tablier du serveur. Non, je dois juste lui faire pitié. Argh…*

Erwan se sentit atrocement déçu, et il perdit un peu de son entrain. Si Penny faisait ça, c’était bien que jamais l’éditeur ne lui avait tapé dans l’œil.

*Déçu ? Pourquoi je suis déçu, de toute façon ? Je suis marié, comme il dit, il faut bien que je fasse attention à ce que je dis. Et puis, William pourrait se servir de ça pour me mettre encore plus bas que terre…*

Erwan se sentit encore plus fatigué d’un coup, quand il se souvint de ce qui s’était passé trois semaines plus tôt. Son beau-frère était venu complètement bourré en hurlant chez lui et dans le cadre d’une discussion… Comment la qualifier ? … d’une discussion étrange, il avait entendu William dire que sa femme n’était pas une Cox, qu’elle avait été échangée à la naissance avec un autre enfant. Erwan y avait vu une opportunité pour sauver ses fesses, pour divorcer ! Mais, inexplicablement, William ne voulait pas que sa sœur divorce. Il l’avait menacé. Et Erwan n’avait plus de nouvelles depuis. Mais quand il se rappela qu’il était avec Penny, il essaya de se redresser un peu, de faire meilleure figure.

« Vous êtes véritablement un OVNI vous le savez ça?!

_Un OVNI ? Première fois qu’on me dit ça. déclara surpris Erwan »

Erwan finit par écouter religieusement Penny sur ses occupations, ses ressentis. Il resta un peu frustré par la fin tout de même.

« Je cours... je participe à des réunions et... j'essaye de réparer ma vie... de la remettre un peu plus... droite. Un peu plus stable. Je suis toujours un soldat et mon rang fait qu'en cas d'acte terroriste je peux intervenir dans mon pays. Je ne sais pas trop quand je vais repartir... A vrai dire je ne sais pas trop si j'en ai envie... Ce n'est pas par rapport à la prise d'otage! Je n'ai pas peur d'y retourner... je n'ai pas vraiment peur de mourir... j'ai juste... »

A ce moment-là, tu aurais tout donné pour savoir ! Si ce n’était pas la peur de la mort, le traumatisme de la prise d’otage… Pourquoi ? Erwan voulait comprendre, mais il préféra ne pas insister. Il se sentait trop fatigué pour ça, il ne voulait pas d’une nouvelle joute verbale, la précédente l’avait épuisé définitivement. Et ce délicieux vin était décidemment très efficace pour lui mettre la tête à l’envers.

« Et vous, vous êtes en train de préparer un plan de fuite? »

*Un plan de fuite ? De fuite pour quoi ?*

« Un plan de fuite ? Vous voulez parler de quoi, de mon mariage ? »

Erwan n’attendit pas d’assentiment, il avait juste une boule d’angoisse qui s’était formée dans sa gorge, une autre dans son ventre, il était comme plombé et plongé dans un lac noir et gelé. Il se leva d’un coup.

« Excusez-moi, euh… Vous avez raison. Je suis marié, et de toute façon, je ne vous intéresse p… Qu’est-ce que je raconte ? »

Il fouilla dans ses poches, trouva quelques billets et les jeta sur la table afin de régler la note. Puis, en voulant récupérer son sac, il se cogna la jambe contre la table. Il se fustigea d’être aussi ridicule et entama sa marche pour sortir. Puis se rappela qu’il devait s’excuser.

« Euh, je suis désolé, je… Je suis ridicule ce soir, et en plus je bois comme un trou. Je suis vraiment désolé, ça ne se reproduira plus. Je… Je ne sais même pas ce que je faisais, je… Je suis marié, c’est… Non, ça ne rentre même pas en ligne de compte. Vous êtes… vous et je suis… Bref, je suis incompréhensible. Je suis désolé. »

Il se frappa le front, se sentant vraiment idiot. Il avait dit qu’il restait, persuadé que… Il ne savait même pas, il était complètement perdu.

« Je n’ai rien à offrir à personne, je suis un… Rien. »

Il s’arrêta de parler et décida de se lancer vers la sortie. Vous préparez un plan de fuite?, avait demandé Penny. Hé bien, non, mais il fuyait et il se détestait d’être aussi lâche, aussi veule, aussi… Cet homme était un condensé de courage, il était intimidé, d’habitude, c’est lui qui intimidait ! Et avec cette scène digne d’un feuilleton à l’eau de rose, c’était définitif, il avait perdu toutes ses chances. Mais quelles chances ?! Il était marié ! Sa vie était foutue, il était foutu, il avait presque envie de se jeter sous un bus.

Tant pis, il ne le reverrait probablement plus jamais, ce Penny Redmayne. Il n’avait plus qu’à téléphoner demain à son auteur, lui dire de trouver un autre soldat pour témoigner. Et il s’excuserait, il…

Est-ce que ça valait vraiment le coup de toute façon ? …

Tu sais que parfois tu peux avoir cette aura d'homme mystérieux. Il t'arrives de dégager ce sentiment d'être hors de portée... ce qui peut paraître paradoxal au vu de ton ancien toi. Qui avait beau - et grâce à la nature - avoir un corps assez plaisant à regarder... ne dégageait pas autant de choses. Alors est-ce parce que tu es aujourd'hui ton véritable toi... que tu peux te comporter comme tu le souhaites? Est--ce que ce bien être se remarque? Certainement... et inconsciemment tu en joue. Aujourd'hui tu as dépassé la ligne et tu le réalises lorsque qu'Erwan se met à paniquer alors que tu ne voulais qu'en rire. Que jouer. Parce que la vérité te fais trop mal, parce que tu ne veux pas l'affronter. Tu n'as pas le temps de rectifier la situation... qu'Erwan se lève et commence à totalement vriller. L'homme si calme, maître de la situation, quoique gêné par quelques remarques de ta part ne se contiens plus et à beau énoncer quelques excuses incroyables te fais passer par le même intermédiaire des messages subliminaux ce qui à le don de t'amuser... normalement. Pourtant tu restes sérieux. Te demandes véritablement si tu n'as pas merdé. "Erwan... ça va aller. Je déconnais... c'était juste une blague... si vous pouvez..." demandes-tu alors que tu sens tout les regards se porter dans votre direction. Mais Erwan continue son monologue. "Si vous avez bu comme un trou regarder moi!" dis-tu en essayant de dédramatiser la situation. Mais Erwan se tape la tête et dit cette phrase qui te marque plus qu'il ne faut. Qui fais que tu te lèves. Tu le vois partir. Ton sang ne fait qu'un tour avant que tu ne le rejoigne. Que tu repenses à Quincy. A son visage si craquant, son rire si enjôleur. Ses fossettes. Sa blessure. Tu le rattrapes et sans vraiment commander ta démarche, ton corps ou ne serait ce qu'un moindre de tes mouvements, tu attrapes ses épaules. "Erwan... Vous êtes loin d'être un rien! Vous êtes une personne. Une personne que je vois. Une personne existante et très craquante, mais là n'est pas la question! Vous êtes une personne vivante et importante pour vos proches, vos collègues... Alors..." dis-tu en souriant légèrement. "Je vous laisse mon numéro. "dis-tu en sortant de ta poche une petite carte. Tu pourrais remercier ta mère plus tard. "Et je pense qu'on va être amener à se revoir." Tu hèle un taxi pour ton interlocuteur. Il s'arrête. "Faite bonne route Erwan et... s'il vous plaît... il faut arrêter de se prendre la tête! Pour moi?" dis-tu bien que finalement cela a peu d'importance... du moment qu'il le fait pour lui. Pour toi... tu as beau essayer de te sauver... tu sens bien que c'est perdu d'avance. Au niveau de l'émotionnel surtout.

Erwan s’était figé lorsque Penny lui avait attrapé les épaules. Sentir les mains de l’homme même au travers des vêtements lui donna une sensation qu’il ne connaissait pas. Il ne connaissait rien de ce qui venait d’arriver de toute façon, il s’était transformé en pelote d’émotions, ce qu’il n’avait jamais, jamais été. Les paroles résonnèrent d’ailleurs longtemps dans son cerveau. Une personne existante et très craquante... Il se sentit pousser des ailes ! Il se sentit déjà beaucoup plus calme mais ne sut pas quoi répondre. Après tout, peu de personnes devait le trouver important. Kaélia, oui, c'était sa protégée, elle comptait sur lui... Mais sinon, les autres ?

"Je vous laisse mon numéro. Et je pense qu’on va être amenés à se revoir.
_Vraiment ?! »

Erwan avait pris la petite carte d’un réflexe. Mais il ne parvenait à y croire. C’était la première fois qu’une personne l’attirait de cette façon, et cette personne voulait le revoir. A moins que ce fusse pour l’écrivain ? Penny l’avait-il pris en pitié ?

*Non, non, il n’a pas parlé de ce foutu écrivain, il n’a parlé que de toi ! Autorise-toi le rêve.*

Alors, Erwan s’autorisa le rêve, soudainement léger comme l’air. Il se sentait vraiment pousser des ailes, se sentait valorisé. Il était simplement surpris que ce fusse un homme qui lui ferait ressentir tout cela. Il se sentait même prêt à tout envoyer en l’air ! Mais il devra y repenser plus tard. Pour le moment il se laissa guider dans un état second jusqu’au taxi hélé par Penny. Il rit intérieurement en se disant que c’était la première fois qu’il était amené au taxi. Une tonne de première fois.

"Faite bonne route Erwan et... s'il vous plaît... il faut arrêter de se prendre la tête! Pour moi?
_Très bien. Enfin, je veux dire... promis."

Erwan se sentait apaisé, simplement parce que Penny le lui avait demandé. Alors, il se décida à faire ce qu’il voulait faire depuis le début de ce rendez-vous, quand il avait remarqué que son rendez-vous n’allait pas bien. Il prit la main de Penny entre ses deux mains, les serra puis ajouta une phrase certes bateau mais qui avait pour Erwan tout son sens.

« Prenez soin de vous. Merci pour le rendez-vous. J’espère vraiment qu’on se reverra vite. »

Puis, sans attendre de réponse, il le lâcha et entra dans le taxi qui s’impatientait. Il fallait bien rentrer. Finalement, il se moquait totalement de Sydney, elle pourra dire ce qu’elle voudrait. Il donna son adresse au conducteur et se laissa tomber sur le siège du véhicule. Il reçut un message sur son téléphone, de Brooke Hanks, qui lui demandait s’ils pouvaient se voir.

Il pourrait bien régler cela une fois chez lui... Pour le moment, il se contentait de se repasser le film de la soirée : ce rendez-vous professionnel avait quelque chose d’à la fois honteux et génial : il pourrait peut-être bien changer sa vie.