None of your business
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
-45%
Le deal à ne pas rater :
PC Portable LG Gram 17″ Intel Evo Core i7 32 Go /1 To
1099.99 € 1999.99 €
Voir le deal

Chapitre III - Une rencontre inévitable

Aller en bas

Chapitre III - Une rencontre inévitable Empty Chapitre III - Une rencontre inévitable

Message par Aërsan Mer 31 Juil - 16:32

Assise à la table de la brasserie, tu gardes le regard dans le vague. La rencontre de ce matin avec Aaron ne cesse de se répéter dans ta tête. Tu en étais encore bouleversée. Avec le recul, tu  te demandes comment tu as pu le laisser entrer chez toi ou même accepter si vite l'idée qu'il rencontre ta fille. Tu n'as non seulement aucune idée de s'il est effectivement le frère d'Evan ou bien de si Alicia accepterait de le rencontrer. Tout est allé si vite... Tu n'as pas eu le temps de comprendre quoique ce soit. Il y avait cet homme en larme sur le seuil de ta porte. Son visage ressemblait tant à celui de ton défunt mari qu'un instant, tu avais cru voir le fantôme du souvenir du jour où vous vous étiez rencontrés. Tu as paniqué et cédé à tes émotions... Encore à présent, tu luttes afin de garder ton calme et de repousser tous ces souvenirs que les événements survenus plus tôt ont ravivé. Tu as besoin de toute ta concentration en ce moment.

Le mercredi est un jour de la semaine où tu ne travailles pas au conservatoire le matin et où Alicia à plus de temps pour manger le midi avant de reprendre l'école. Vous avez donc au fil du temps commencé à mettre en place un petit rituel mère-fille. Vous mangez chaque semaine dans cette brasserie dans le centre-ville. Elle a l'avantage d'être proche de l'école de ta fille et de proposer des menus à la fois variés et abordables. Etant donné que tu donnes des cours de solfèges à un habitant du quartier, tu peux arriver à chaque fois un peu en avance et déjà commander des boissons pour l'apéritif. Un diabolo pour ta fille et un panaché pour toi. Tu t'es interdite de boire de l'alcool même en quantité infime avant le travail mais tu après ces émotions de ce matin, tu en as bien besoin. Bon, tu doutes qu'un panaché te fasse grand effet mais psychologiquement parlant, ça t'aide un peu.

Tes rêveries s'interrompent lorsque tu aperçois la silhouette de ta fille un peu plus loin dans la rue. Tu te lèves pour lui faire un signe de main. Les gens autour doivent te prendre pour une idiote... Alicia aussi sans doute puisqu'elle sait exactement où te trouver vu que tu choisis la même table chaque semaine mais tu ne peux t'en empêcher. Un réflexe de maman sans doute ?

L'adolescente s'assied en face de toi. Elle semble aujourd'hui de bien bonne humeur. La convocation chez la directrice du début de semaine parait avoir déjà disparue de sa mémoire. D'une certaine façon, ce n'est pas plus mal. Au moins, si elle n'a pas gardé de contrariété, elle sera peut-être plus disposée à écouter ton histoire sans se braquer par simple esprit d'opposition contre toi... Cela dit, tu es bien consciente que même sans cela, elle a toute les raisons du monde de ne pas accepter. Après tout, son père ne parlait pas plus que cela de sa famille avec toi et tu doutes qu'il l'ait plus fait avec Alicia.

Un serveur vient prendre votre commande et revient quelques instants plus tard avec les plats demandés. La conversation commence alors. Comme d'habitude, vous parlez de tout et de rien mais surtout de rien afin d'éviter les sujets facheux. Depuis le temps qu'Alicia est devenue muette et que vous avez appris à parler la langue des signes, tu as pris toi-même l'habitude de lui parler en langage des signes lorsqu'il n'y a pas de tierce personne dans la conversation et que tu ne parles pas sous le coup de la colère à cause de ses dérives à l'école. Bien que ce ne soit pas très utile puisque tu as encore l'usage de ta voix, tu trouves que cela donne à vos discussions un aspect intime très agréable.

Le repas avance donc ainsi dans une bonne humeur insouciante. Cela dit, à mesure que les minutes passent et que tu vois la fin du repas approcher, tu sens une forme de culpabilité se faire de plus en plus lourde en toi. Tu n'oses pas aborder le sujet. Tu sais qu'à la seconde où tu le feras, ce moment agréable s'évaporera pour laisser place à une atmosphère lourde de méfiance et possiblement de reproches. Tu ne peux cependant te permettre de glisser ça au moment de vous séparer et t'enfuir. Ce ne serait pas honnête ou responsable.

C'est finalement alors que  vos assiettes sont débarrassées et après que vous ayez commandé des desserts que tu oses te jeter à l'eau. Coupant court aux signes, tu articules à voix mi-basse :

-Alicia... Quelqu'un est venu ce matin.

Aussitôt son regard s'assombrit. Inquiétude et méfiance se lisent sur les traits de ta fille. Il faut dire que ton introduction n'était pas la meilleure. Avant qu'elle ne se referme complètement, tu enchaînes en essayant de sauver la situation :

-Les relations entre ton père et sa famille ont toujours été compliquée tu sais ? C'est pour ça que nous n'avons jamais rencontré ton oncle, ta tante ou tes grand-parents. Ils se sont disputés il y a longtemps.... Et bien il se trouve que je crois avoir trouvé son frère cadet. Je me disais que cela pourrait être une bonne opportunité pour toi de connaître enfin ton oncle ? Qu'en penses-tu ?

La réponse de ta fille ne se fait pas attendre. Ses signes sont secs et la colère se lit dans ses traits. Elle proteste. Pour elle, Evan n'avait pas de frère ou de soeur. S'il en avait, il lui en aurait forcément parlé. Elle finit par te demander pourquoi chercher à les rencontrer si leurs relations avec Evan étaient si tendues. Tu soupires devant sa véhémence. Maladroitement, tu murmures :

-Tu sais mon ange, les choses ne sont pas toujours simples chez les adultes... Tu sais que je t'ai déjà dit que peu importe le métier que tu choisiras de faire plus tard, je serais là pour te soutenir ? Et bien, quelques fois les parents ne sont pas toujours aussi ouverts. Tu sais comment c'est ! Nous rêvons tous de voir un jour nos enfants suivre la même voie que nous et reprendre le flambeau un jour... Et bien c'est ce qui s'est passé entre ton père et ses  parents. Ils voulaient le voir travailler avec eux dans leur magasin mais ton père ne voulait pas qu'on lui impose sa voie... C'est pourquoi il s'est séparé d'eux.

Tu ne t'avances pas plus loin que ce qu'Evan t'avait raconté à l'époque. Après tout même si Aaron n'avait fait que confirmer ses dires en y apportant quelques précisions, tu ne sais pas si ton mari avait raconté son histoire à ta fille ou pas mais s'il l'avait fait, il valait mieux se cantonner à ses mots. Après une brève pause, tu reprends :

-"Quoi que tu décides, je ne te forcerais pas à faire quelque chose dont tu n'as pas envie mais je voudrais quand même que tu y réfléchisses avant de me répondre. C'est peut-être une des seules chances que nous auront de rencontrer la famille de ton père. Je me disais que ça aurait pu te plaire te rencontrer ceux avec qui il a grandi et avec ma famille qui vit en Europe, je me disais que ça pourrait peut-être être une bonne chose d'avoir des proches à proximité de nous. Nous serions moins seules comme ça." Puis tendant la main pour la poser sur son bras, tu achèves : "Cette décision est la tienne mon ange. Que nous rencontrions la famille de ton père ou non, nous serons toujours là l'une pour l'autre et on s'en tirera comme on l'a toujours fait, d'accord ?"

Tu as pas mal parlé sans laisser le temps à ta fille d'en placer une. Il fallait qu'elle entende tout cela. Tu tenais à ce qu'elle sache que malgré son jeune âge, c'était à elle que revient la décision finale. Tu espères avoir réussi à tempérer un peu son caractère. Ce serait hypocrite de dire que tu n'aimerais pas rencontrer la famille de ton mari ne serait-ce que pour que vous ne soyez pas ainsi que toutes les deux livrées à vous-même. Cela dit, tu ne veux pas la forcer. Tu crains juste que sa méfiance ne la pousse à repousser cette rencontre en bloc ainsi que toute chance de rencontrer sa famille paternelle... Une chance qu'elle pourrait regretter plus tard de ne pas avoir saisie.

Hélas, une fois de plus son emportement balaie bien vite sa raison. Elle t'accuse avec un regard coléreux d'être celle à cause de qui vous êtes si loin du reste de ta famille avant de tout rejeter en bloc comme elle le fait à chaque fois qu'elle se sent confrontée à une situation qu'elle ne maîtrise pas. Tu reçois ses mots comme une claque. Après tout elle n'a pas tort. C'est bien toi qui a pris la décision de rester à Vancouvers lorsqu'Evan est décédé. Tu aurais pu vendre la maison pour te rapprocher de ta famille... Tu t'es répétée bien longtemps que c'était pour Alicia que tu avais pris cette décision difficile mais en vérité, tu ne t'imaginais pas retourner chez tes parents à presque cinquante ans. D'une certaine façon, cela aurait revenu à leur avouer ton échec malgré tout ce qu'ils avaient fait pour te premettre de t'en sortir dans la vie. Certes ils ne t'auraient pas laissée tomber mais à leurs âges, ils auraient été bien trop fatigués. Depuis de nombreuses années, ton père est confrontée à un cancer à cause de l'amiante avec laquelle il a été exposé toute sa vie. Ta mère craint depuis longtemps qu'il ne lui reste plus très longtemps à vivre et tu ne te sentais pas capable à cette époque de faire face à la mort une nouvelle fois. Pas si vite... Combien de fois t'es tu reprochée de ne pas avoir su prendre cette décision autrefois ? Combien de fois t'es-tu demandée si vous en seriez arrivées à une telle situation Alicia et toi si tu avais eu le courage de l'emmener en Europe quand tu en avais l'occasion ? Si tu ne nourrissais plus de remord à ce propos, les reproches de ta fille ne t'aurait certainement pas atteinte ainsi mais elle a touché un point sensible et elle le sait.

Tu la fixes un moment d'un air interdit avant de te reculer jusqu'au plus profond de ta chaise. Baissant les yeux, tu murmures sèchement :

-Non évidemment, tu as raison. Ce n'est pas à cause de toi si nous sommes seules ici. Tu n'es obligée de rien...

Tout cela te fait de la peine. Pourquoi faut-il forcément que ça finisse par se retourner contre toi ? Quelque soit le sujet, il semblerait que sa méthode de défense soit de te blesser afin de te repousser le plus loin possible d'elle. Un long soupir t'échappe. Tu as envie de t'en aller, de te lever et d'aller payer au comptoir pour partir le plus loin possible... Là où tu n'aurais pas à subir ainsi les humeurs de l'adolescente. Tu le ferais surement si le serveur n'avait pas choisi ce moment pour revenir avec vos desserts. Après l'avoir remercié poliment, tu commences à manger sans conviction en silence. Tout ça t'a coupé l'appétit...

Finalement, ta fille tapote timidement ta main pour attirer ton attention. Tu soupires à nouveau en relevant les yeux vers elle. Tu t'attends à de nouveaux reproches... Après tout, tu ne serais plus à ça près.

Contre toute attente, ce n'est pas pour en rajouter une couche qu'Alicia a souhaité relancer la conversation. Au lieu de s'emmurer dans une colère boudeuse comme elle en a l'habitude en cas de dispute, elle semble être revenue sur sa position. Se serait-elle rendue compte qu'elle avait poussé le bouchon trop loin ? Sans doute. En tout cas, elle signe quelques excuses avant d'ajouter que finalement elle accepterai de le rencontrer si c'est là ce que tu désires. Cependant, elle avertit qu'elle ne peut assurer qu'elle l'aimera ou de lui réserver un accueil chaleureux, du moins tant qu'elle n'aura pas la preuve qu'il s'agit bien de son oncle.

Tu te retiens de lever les yeux au ciel. Tu as bien envie de rétorquer que tu fais ça pour elle et non pour toi. Qu'elle peut bien le détester si ça l'amuse ! Qu'est-ce qu'elle imagine que ça puisse te faire ? Tu te retiens cependant en dépit de ta mauvaise humeur. En temps normal, une fois que tu es ainsi vexée tu as au moins aussi mauvais caractère que la jeune fille mais cette fois il y a des enjeux et tu le sais. Cachant ton amertume, tu réponds :

-Merci de lui donner une chance. Je sais à quel point ce doit être dur pour toi. Cette histoire me fait mal aussi tu sais...

Vous finissez le repas silencieusement, chacune plongée dans vos pensées. À cet instant, tu as de la peine pour Aaron. Il ne s'imagine sans doute pas ce qui l'attend... Finalement, le serveur apporte l'addition. Une fois le repas payé, ta fille ne tarde pas à s'en aller. Tu lui fait promettre d'être à la maison pour 18h au plus tard. Elle accepte en s'éloignant, te laissant seule assise avec la fin de ton café.

Une fois l'adolescente hors de ton champ de vision, tu sors ton téléphone avant de composer le numéro d'Aaron et de lui envoyer un message. "Alicia est d'accord pour vous rencontrer, soyez là pour 18h30". Connaissant ta fille, tu préfères rajouter une petite marge d'horaire. Tu sais bien qu'il y a une chance sur deux pour qu'elle ne respecte pas l'heure fixée alors tu préfères ne pas prendre de risques. Tu as bien envie d'ajouter un bref "Bon courage" mais tu t'en abstiens. Une fois le message expédié, tu finis ta tasse d'un trait avant de quitter la terrasse à ton tour. Dire qu'il n'est qu'une heure de l'après-midi... Tu en as marre de cette journée.
Aërsan
Aërsan

Messages : 13


Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum