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I-Une vie de loose

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Message par Aërsan Dim 14 Avr - 21:31

Voilà pratiquement une heure que tu es là, jouant du piano avec cet élève de second cycle. Il fait partie des nombreux élèves à qui tu donnes des leçons de piano. Bien que tu sois son professeur, tu restes en retrait depuis ces dernières leçons, te contentant de le conseiller mais en le laissant choisir ses morceaux. Pendant de longs mois, tu t'es appliquée aux cours de vos sessions à lui montrer le panel de styles le plus large possible mais à présent, tu le laisses se guider au fil de ses envies. Le moment où un élève doit trouver son style et chercher ce qui lui plait le plus dans la musique est un moment délicat et si tu restes présente pour lui offrir tes conseils et ton aide, il n'est pas question pour toi de lui imposer quoique ce soit. La décision finale revient à l'étudiant et il est important qu'il la prenne seul. Tu en étais passé par là il y a de longues années et même si cela avait été dur, tu en étais sortie grandie. Sans doute était-ce grâce à cela même que tu as su quelle orientation donner à ta carrière en sortant du conservatoire. Enfin, cela remonte à bien longtemps à présent. Tu ne recherches plus d'accomplissement personnel aujourd'hui. À présent, ce sont les réussites de tes élèves qui te tiennent à cœur. Tu tiens à les voir s'accomplir. Tu ne comptes plus le nombre d'élèves que tu as suivi aux cours de leurs formations et tous ne sont pas devenus de grands compositeurs ou chefs d'orchestre. Cela n'a rien d'un échec à tes yeux. Si la musique peut être un projet professionnel tout à fait viable, c'est surtout sur le plan personnel qu'elle est enrichissante. Partir à la recherche de la musique qui nous correspond est selon toi, un bon moyen d'apprendre à se connaître. À travers elle, on peut cerner notre sensibilité, notre tempérament.... Même si certains de tes élèves n'en ont pas fait leur métier par la suite, tu es convaincue que leur apprentissage ici leur a beaucoup apporté et qu'ils en garderont une richesse intérieure pendant longtemps. Cette simple idée te pousse à toujours t'investir un peu plus dans ton rôle au conservatoire...

La leçon s'achevant, ton élève et toi prenez un peu de temps loin de tout instrument afin de discuter. Il est toujours important de discuter un peu de la suite des événements. Plus particulièrement à présent que la fin de l'année approche et avec elle non seulement les évaluations mais aussi le choix de la poursuite d'étude. Le troisième cycle offrant plusieurs possibilités afin de s'adapter au mieux aux attentes de chaque élève, c'est aussi un moment crucial dans leur formation. Tout cela soulève souvent des interrogations et des inquiétudes chez les étudiants, tu le sais bien... C'est pourquoi ces échanges là sont si précieux. Il est important qu'ils sachent qu'ils peuvent compter sur toi en cas de doute. Bien que tu ne t'en vante pas et que tu as bien conscience de ne plus être celle que tu fut jadis, tu sais que pour beaucoup d'étudiant, les encouragements d'une compositrice ayant eu une carrière aussi brillante que la tienne peut compter énormément.

Après avoir débattu un moment, tu laisses ton élève s'en aller. Restant un moment seule dans la pièce, tu te laisses aller en soupirant sur ta chaise. Ce cours était le dernier de ton après-midi. Les lundis ne sont pas les journées les plus chargées pour toi. C'est justement l'occasion de pouvoir t'occuper chez toi, de faire des courses et de pouvoir passer un peu de temps avec ta fille. Sortant ton téléphone de ton sac, tu t'apprêtes à lui envoyer un message pour l'inviter à te retrouver en centre-ville cet après-midi à la sortie de l'école quand tu découvres la notification d'un appel manqué d'un numéro hélas bien trop connue : la directrice de l'école en question... Soupirant d'exaspération, tu ouvres ton répondeur pour écouter le message laissé par cette femme bien que tu saches déjà de quoi il en retourne. Tu es bonne pour une convocation en règle dans son bureau.... À nouveau. Agacée à l'idée de voir une des rares après-midi libres que ton emploi du temps te permet partir en fumée au profit d'une discussion houleuse, tu farfouilles afin de retrouver tes clés de voiture. Les courses allaient devoir attendre.

Quelques heures plus tard, tu quittes enfin l'école primaire. Tu soupires en franchissant le portail de l'école. Une fois encore la discussion avec la directrice avait été amère, comme prévu. Tu jettes un œil aux enfants encore présents à la garderie. Ils jouent, ils crient... Tout cela dans la plus grande des insouciances tandis qu'ils attendent le retour de leur parents. La scène semble comme nimbée d'une magie innocente propre aux êtres de leur âge. Une magie hélas bien loin de ta vie... Ta fille te suit, un peu en retrait. Son expression est fermée et son pas traînant. On est bien loin du spectacle guilleret des différents jeux de ses camarades.  À mesure que vous avancez en direction du parking, leurs voix se font plus distantes jusqu'à n'être plus qu'un faible écho lointain, te laissant seule avec le silence de plomb de ta fille. Vous vous installez dans ta voiture avant que finalement tu ne te décides à briser cette ambiance pesante :

-Je suppose que tu n'as rien à me dire... marmonnes-tu d'un ton pleins de reproches.

Pour toute réponse, l'adolescente se contente de te dévisager avant de renifler bruyamment pour te signifier son mécontentement avant de grossièrement détourner le visage. Soupirant, tu tentes d'insister un peu :

-Alicia, j'ai un planning vraiment chargé au conservatoire avec les examens de fin d'année qui approchent, je t'en prie ! Je ne peux tout arrêter une fois par semaine pour aller au bureau de ta directrice ! Tu peux essayer de penser à moi un peu s'il te plait ? Si tu as besoin de parler, je t'en prie parle-moi mais arrête ce petit jeu à l'école. C'est ton avenir là que tu mets en danger !

Tu n'apprécies pas de la brusquer ainsi, pas plus que de lui demander de faire un peu attention à toi. Tu as la sensation d'être égoïste... C'est hélas la fatigue qui parle pour toi à ce stade. Tu ne comptes plus tes heures au travail depuis presque un mois et le peu de temps libre qu'il te reste le soir est absorbé par l'entretien de ta maison et de ta famille ou comme cette fois dans des convocations chez la directrice de l'école à te faire sermonner à propos de la conduite de ta fille. Tu ne pourras continuer éternellement ainsi. Tu es déjà épuisée et tu te passerais bien de cette mise à l'épreuve quotidienne de tes nerfs.

Si en voyant ta fille se tourner vers toi tu crois que cette approche un peu directe porte ses fruits, tu déchantes bien vite lorsqu'elle signe quelques mots. Tu te figes net en en saisissant le sens.

-Papa m'aurait comprise.

Tu baisses la tête, ne voulant t'aventurer sur ce terrain. Tu sais bien que tu finiras en larmes si tu tentes de parler de son père. Sa mort remonte à un peu plus de deux ans déjà mais la blessure ne s'est jamais totalement refermée. Toi qui te plaignais justement du manque de considération de ta fille à ton égard, tu n'avais pas besoin qu'elle te le renvoie en plein visage. C'est hélas sa solution de repli dans la plupart des cas. Comme une sorte de muraille infranchissable derrière laquelle elle savait que tu n'aurais pas la force d'aller la chercher

Elle aussi a grandement souffert de cette disparition, tu le sais. Issue du premier mariage de son père, elle avait perdu sa mère alors qu'elle n'avait qu'à peine un an. Après la mort de son deuxième parent, elle se retrouve orpheline et tu auras beau faire tous les efforts du monde et l'avoir élevée depuis son plus jeune âge, tu n'es pas sa mère biologique. Elle s'applique à te le faire ressentir à présent. Vous qui étiez si proches autrefois, tu aurais voulu la soutenir. Que vous soyez plus soudées que jamais dans cette dure épreuve mais c'est tout le contraire qui s'est produit. Elle s'est complètement murée, cessant de rire ou même de parler. Votre complicité semble s'être éteinte avec sa joie de vivre... Votre quotidien n'est désormais plus que cette succession de disputes, de convocations et de coups bas...

La laissant broyer du noir de son côté, tu démarres la voiture avant de mettre la radio.Tu prêtes à peine attention à la chanson qui passe mais au moins ce fond sonore empêche de silence oppressant. Tu pourrais presque en oublier la sale humeur  de ta fille. Le regard rivé sur la route, tu laisses tes pensées divaguer au-delà. Tu revois ces scènes qui remontent à bien des années. Tu te rappelles de ces moments où vous partiez avec ta fille en vacances ton mari et toi. Tu te remémores son excitation palpable lorsqu'elle était prête à porter vos propres valises du haut de ses neuf ans pour pouvoir avancer le départ ne serait-ce que de quelques minutes, les regards amusés et attendris que vous vous échangiez avec son père devant ce spectacle.

Tout cela est bien loin Elise et pourtant tu ne cesses d'y penser. Combien de fois as-tu revécu ces moments dans ta tête ces derniers moi ? Des dizaines de fois... des centaines même. Tu as l'impression d'être un fantôme quand tu y penses. Une enveloppe vide prise entre ces deux époques sans réussir à franchir le cap, gardant un pied dans le passé de peur d'affronter le présent. Peut-être est-ce pour ça que les choses sont devenues si dures entre Alicia et toi ? Là où elle s'est endurcie et affronte le deuil à sa façon, toi tu tentes désespérément de le fuir quittes à te raccrocher à ces souvenirs perdus. Au fond tu sais que ce n'est pas la bonne solution mais tu n'arrives pas à faire autrement. Tu as déjà perdu l'amour de ta vie une première fois il y a bien longtemps, tu ne peux pas te faire à l'idée d'avoir perdu ce bonheur une nouvelle fois.

Cela remonte à bien longtemps à présent. Un peu plus de quinze ans. Tu te souviens de ce jour où tu es rentrée chez toi le soir après une énième journée passée avec ton orchestre. Tu avais découvert ta maison vide. Ton mari de l'époque, Caleb, s'était volatilisé avec Alden, votre fils. Tu avais retourné toute ta maison ce jour-là, hurlant ta terreur et ta peine en découvrant le triste spectacle de leurs armoires vidées à la hâte et criblant son téléphones de dizaines d'appels mais rien n'y fit. Tes deux hommes s'étaient envolés. La police avait réussi à remonter leur trace jusqu'à Montréal avant de les perdre définitivement.C'est à partir de là que tu avais commencé à sombrer, enchaînant les dépression au fil des années. Tu étais prise dans une spirale infernale dont tu ne voyais aucun échappatoire. C'est là que tu as connu Evan. Tu te souviens encore de votre rencontre. Tu étais dans ce supermarché, ton sac était rempli de riz et d'alcool. Pour l'ombre de femme que tu étais à cette époque, c'est tout ce que tu parvenais à avaler sans que ça te donne l'envie de vomir. Tu te dirigeais vers la caisse, trop heureuse de quitter cet endroit bien trop animé à ton goût quand tu as entendu des pleurs et des cris. Ils s'agissaient de pleurs d'enfant mais il semblait y avoir aussi des pleurs d'homme. Intriguée, tu es allée voir ce qui se passait. C'est là que tu as découvert ce triste spectacle de cet homme assis au sol, implorant le bébé dans ses bras d'arrêter de pleurer. Il se dégageait une telle puissance émotionnelle de ce duo que pour la première fois depuis longtemps, tu as été touché en plein cœur à travers ce brouillard qui l'enserrait. Tu es allée à leur rencontre. Peut-être était-ce grâce à ton instinct maternel ou à ton expérience mais tu avais su calmer le bambin en quelques instants. Sidéré devant ce spectacle, son père t'avais offert un café. Après avoir perdu ton fils, la perspective de passer du temps en compagnie d'un enfant si innoçent qui tendait les bras vers toi pour te réclamer de l'affection te terrifiait. Tu pensas à t'enfuir en courant mais pour une raison que tu n'as toujours pas comprise, tu avais acceptée. C'est alors que tu as appris son histoire...

Alicia n'avait qu'un an et demi à cet époque et sa mère était décédée quelques mois plus tôt. Entre ce père au bout du rouleau qui ne savait plus quoi faire pour réussir à s'occuper de sa fille et toi, la mère jeté au fond du trou par la perte de sa famille, vous vous êtes soutenus. Alors que l'un comme l'autre vous étiez dans de piteux états, vous vous êtes serrés les coudes et sans même vous en rendre compte vous vous êtes hissés vers le haut, retrouvant peu à peu goût à la vie grâce à l'autre. Un mariage est venu parfaire cette relation deux ans plus tard et à nouveau tu te sentais vivre un rêve. Tu avais de nouveau une famille au sein de laquelle tu pouvais t'épanouir. C'est dix ans plus tard que la cruauté de ce monde est revenue briser ce petit quotidien à l'allure de rêve. Cet homme dont tu étais si amoureuse t'a été arraché de nouveau et cette famille dont tu avais tant besoin semblait voler en éclat depuis lors... Ta fille s'était enfermé dans un mutisme et toi tu t'es de nouveau retrouvée au bord de cet abîme, prête à sombrer. S'il n'y avait pas eu Alicia, cela aurait déjà été fait depuis longtemps mais pour elle tu te dois d'être forte et de tenir le coup. Si seulement elle pouvait ne pas rajouter de difficulté supplémentaire cela dit, ce serait un peu plus agréable pour toi... Tu pourrais au moins te reposer sur la complicité que vous aviez eu autrefois. Ça aurait été vous deux contre le reste du monde et non toi contre tous avec ta fille en première ligne face à toi... Son psychologue avait eu beau t'assurer qu'en dépit de ces apparences, la fillette demeurait très attachée à toi, tu as du mal à t'en convaincre en voyant des journées comme celle-ci...

Après une bonne demi-heure de conduite vous arrivez enfin devant votre maison avenue Salem. Vous l'aviez achetée il y a maintenant huit ans. Vous en aviez repérées plusieurs avec Evan mais il avait jeté son dévolu sur celle-ci. Ce n'était pas la mieux placée mais la bibliothèque avait jouée en sa faveur... Ainsi que le nom de la rue. Ça l'avait fait rire. Il n'arrêtait pas de taquiner Alicia en disant qu'ils verraient des sorcières dans un endroit comme ça. Tu avais souris en l'entendant raconter ses bêtises et en les voyant faire la courses aux sorcières en enfourchant des balais et des serpillières. Aujourd'hui, tu te demandes si cet endroit ne vous a pas jeté un mauvais sort quand tu vois quel drame il vous est arrivé. Tu n'arrives cependant pas à quitter cette rue. Il y a ici bien trop de souvenirs qui te retiennent et de toute manière, même si tu souhaitais quitter cette maison, où irais-tu ? Tu as beau avoir quelques économies en poche, tu aurais besoin de vendre la maison et avec les frais d'agence et de notaire, tu doutes de pouvoir trouver une aussi grande maison aussi proche du centre. Il te faudrait faire un crédit et ce n'est pas à cinquante ans que tu voudrais repartir pour dix ou quinze années d'endettements.

Tandis que tu soupires en repensant à tout ça, ta fille s'enfuit de la voiture sans attendre. Tu as tout juste le temps de la voir filer vers la porte, l'ouvrir et s'engouffrer dans la maison sans même prendre la peine de la refermer. Poussant un nouveau souffle de lassitude, tu laisses ta tête tomber sur le volant. Restant ainsi immobile quelques secondes, tu cherches un peu de courage avant de repartir et d'attaquer la suite de ta soirée. Tu as beau être chez toi, la journée est encore loin d'être finie. Tu as encore le repas à préparer, du repassage à faire et ce soir tu auras des mémoires en cours à corriger et sur lesquels tu devras donner quelques conseils pour des élèves qui te l'ont demandé. Tu n'allais pas encore te coucher tôt. Enfin, te morfondre ne va pas aider à faire passer le temps plus rapidement hélas. Tu descends donc à ton tour pour aller chercher ton sac dans le coffre avant de verrouiller la voiture et d'entrer en prenant soin de bien refermer la porte.

Une demi-heure plus tard tu es dans ta cuisine, un œil sur ta sauce bolognaise qui cuit et l'autre sur la copie d'un de tes étudiants. Tu ne fais que la survoler pour le moment avant de réellement la lire en détails mais tu sens déjà que tu vas avoir une certaine dose de travail avec celle-ci. Dire qu'il y a encore deux autre brouillons que tu dois lire après celle-ci... Pour des journées comme les tiennes, il faudrait définitivement plus de 24 heures. Heureusement dans quelques mois après les examens, arriveront les vacances scolaires. Tu continues de donner des cours à domicile pendant l'été mais au moins, tu n'auras plus à passer tes journées au conservatoire et tu n'auras plus toutes ces corrections à faire...

T'efforçant de ne pas penser à ces quelques mois d'accalmies, tu te concentres sur ce que tu fais. Il n'y a plus de pizzas au congélateur pour rattraper un éventuel ratage de recette et si tu commences à laisser tes pensées divaguer, tu ne verras jamais le bout de ces corrections.

Finalement, ta recette finit plutôt bien ce qui ajoute au moins un peu de plaisir au repas. Ta fille est légèrement moins renfrognée mais elle ne semble guère ouverte au dialogue, ne te faisant des signes que pour te demander l'eau, le sel ou le fromage râpé... Les quelques tentatives que tu fais pour lancer le dialogue tombent à plat mais il faut reconnaître qu'ouvrir une discussion sans parler de vos journées, de votre famille ou d'autres sujets du genre sources de conflits entre vous est assez périlleux et au final, tu ne trouves pas de grandes idées. Une réunion de prof qui va te faire rentrer plus tard vendredi, le fait que tu aies croiser Rebecca en allant manger à midi et qu'elle viendrait prendre le café la semaine prochaine... On ne peut décemment pas en vouloir à Alicia de ne pas aller plus loin qu'un vague hochement de tête. Même sans son mutisme, elle n'aurait sans doute rien dit. Tu finis par abandonner. Toi même tu te rends compte de la futilité de ta démarche. Vous finissez de manger puis après lui avoir demander de ranger la vaisselle sale dans le lave-vaisselle, tu t'en vas faire chauffer de l'eau. Si tu songes en premier lieu à de la tisane, tu te ravises bien vite, optant pour un café bien corsé. Il va te falloir de l'énergie pour tenir ce soir.

C'est ainsi que tu achèveras ta soirée à la manière de dizaines d'autres. Enfoncée dans ton canapé, endormie au-dessus du travail de tes élèves. La tasse de café encore intacte refroidissant sur la table, un stylo dans ta main. La télévision servant de fond sonore. Tu auras bien avancé dans ton travail. Plus d'une soixantaine de pages ont déjà été corrigés et annotées avant d'être déposée sur la table. Tu n'as simplement plus eu l'énergie d'achever le dernier sujet. Tu n'as plus l'endurance de tes vingt ans, à l'époque où tu pouvais rédiger des mémoires jusqu'à quatre heures du matin en carburant au café et où tu étais encore en état d'encaisser une journée de cours par la suite. Cette jeune femme que tu étais aurait bien du mal à se retrouver en toi aujourd'hui. Élève brillante, pleine de talents et promise à une grande carrière musicale, tu avais autrefois la vie devant toi. Tu avais toute la confiance de la jeunesse en toi et tu te sentais prête à affronter tous les obstacles que la vie s'amuserait à déposer sur ton chemin. Ignorante que tu étais. Tu ne te doutais pas un instant que tu finirais en un si triste état. Si on te l'avait dit, tu aurais sans doute ri au éclats avant d'ajouter que si la future toi se laisserait ainsi aller, tu la secouerais pour la remettre en scelle ! Et pourtant trente ans plus tard, tu y es.

Ce sera comme bien des soirs l'arrêt de la télévision qui te réveillera. Tu remercieras intérieurement la fonction qui déclenche l'arrêt de la machine après un certain temps sans toucher la télécommande qui t'éviteras une nouvelle nuit dans le canapé et un gros mal de dos en perspective. Tu t'étireras, sentant déjà quelques courbatures à cause de cette mauvaise position. Puis, tu trieras dans un dernier effort les feuilles sur la table avant de t'éloigner. Tu t'arrêteras devant la photo accrochée au mur. Un cliché pris d'Evan, Alicia et toi alors que vous étiez en vacances à la montagnes il y a quelques années. Tu contempleras vos sourires radieux avec nostalgies puis tu demanderas pardon à Evan de ne pas être plus forte, de ne pas savoir gérer la situation sans lui et de ne pas savoir faire rire sa fille comme lui le faisait. Quelque part, il doit t'observer, tu t'en doutes. Il doit observer avec désolation le fiasco qu'est devenu sa famille depuis sa mort... Tu y penseras avec dépit en te rendant d'un pas traînant vers ta chambre pour aller dormir les quelques heures restantes avant le réveil...


Dernière édition par Aërsan le Mer 31 Juil - 11:33, édité 4 fois (Raison : m)
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